Trail-again

Compte rendu MaxiRace
Compte rendu MaxiRace

MaxiRace 2018: Maxi fier!

6 Juin 2018

Tout a donc commencé le vendredi 25 Mai à la gare de salon de Provence. Je rejoins mon pote Romain, mon éternel « sparing partner » venu une nouvelle fois en soutien, aider ma carcasse à franchir la ligne !

Arrivés sur Annecy en début d’après-midi, nous prenons possession de notre QG AirBnb à Menthon Saint Bernard, village du ravito numéro 3, juge de paix de cette MaxiRace. Je sais au fond de moi que si je parviens jusqu’ici pendant la course, je franchirai la ligne d’arrivée coûte que coûte.

 

Lac d'Annecy - Trail again

Petit tour au Maxi village le temps de récupérer le dossard, puis retour à l’appart pour mon traditionnel « run de déblocage » de veille de course, 20 petites minutes pour me rassurer. Mes parents ont fait le déplacement avec leur fourgon aménagé et ça me fait extrêmement plaisir. Ils dormiront en haut du Semnoz, le premier ravito que je compte atteindre après 2 heures de course.

Je mange des pâtes, je prépare mon sac, mon matos, il est 22 heures, je me couche. Le réveil est programmé à 3h du matin. Comme d’habitude, je ne ferme pas l’œil de la nuit, mais ça ne me fait pas peur, j’ai l’habitude.

Quand le réveil sonne, j’ai déjà les yeux grands ouverts, je suis prêt au combat depuis la veille. J’avale un petit déjeuner conséquent (je n’ai pas prévu de me ravitailler avant le Semnoz), et me voilà dans la voiture, direction la ligne de départ.

5h00: Le départ

KM 0 : Nous somme 1529 coureurs au départ, et ça bouchonne à l’entrée du Maxi village. J’atteins mon SAS à peine 1 minute avant le coup de starter, ça me stresse. J’ai décidé de prendre ma caméra pour faire un film de cette aventure, mais au moment de l’allumer, je me rends compte que je n’ai pas mis la bonne batterie. Elle ne s’allumera pas… Je peste contre moi-même, les fumigènes craquent, le ciel devient rouge, les spectateurs hurlent, c’est le départ !

J’ai encore l’esprit occupé par cette histoire de caméra. Je décide à ce moment-là que je ne filmerai pas, que je déposerai la caméra en haut du Semnoz, et que les seules images de la course resteront dans ma tête. Le gros avantage, c’est que le dépôt de la caméra va libérer un espace pour une flasque d’eau supplémentaire (500ml). Ils annoncent chaud aujourd’hui, c’est parfait !

Je décide de partir sur un petit rythme, et d’en garder sous la pédale pour la fin du parcours, comme à Signes deux mois plus tôt. Kilomètre 02, j’amorce les 16km d’ascension. Je connais bien cette partie, et je la trouve facile. Tout d’abord parce qu’elle se fait de nuit, et que donc la chaleur est absente, ensuite parce que la pente est régulière.

Premier pointage au kilomètre 08, je suis en 780èmeposition, j’ai donc déjà pas mal rétrogradé, mais ça ne m’inquiète pas, j’ai l’habitude des départs diesel.

8h09: Le Semnoz

KM 18 : J’arrive au Semnoz en 788èmeposition. Temps de course 03h09’38. Je ne m’arrête que quelques secondes, simplement pour recharger en eau et manger quelques fruits secs.

Je croise mes parents, je discute brièvement avec eux, je confie la caméra à mon père et je repars pour une longue descente de 8km. Je suis ultra frais, j’ai un super mental, mais je décide d’y aller prudemment quand même.

09h05 : Arrivé au pied du col de la cochette, je me félicite de ne pas m’être enflammé. Je me lance dans la montée de ce col, qui m’avait fait incroyablement souffrir il y’a deux ans. Et elle n’a pas changé ! Mais l’expérience et le volume d’entrainement feront la différence cette fois, je le sens.

Adrien Bizieux - MaxiRace Trail again
Passage au Semnoz

10h31: Col de la Cochette

Adrien Bizieux - MaxiRace 2018
Un traileur dans son élément

KM 33 : J’arrive en haut sans trop d’encombres.

J’ai doublé pas mal de monde, et la course commence à faire ses premières victimes. Le temps se réchauffe, mais moins qu’annoncé par la météo , et on sera dans les sous-bois au moins jusqu’à Doussard.

Doussard c’est le ravito numéro 2, à mi-course, où j’ai prévu de m’arrêter une demie heure, pour recharger la machine.

Avant ça, il me reste une petite descente, puis une bosse de 4km et la descente finale sur Doussard et son gymnase.

Je ne m’éternise pas sur cette partie de course, que j’ai très bien géré. Romain m’attend 2km avant le gymnase, là où le chemin se transforme en bitume, à mon plus grand regret. Il me suis en vélo, on bavarde, et cette longue transition plate sur goudron passe un poil plus vite.

12h16: Doussard

KM 43 : J’entre dans le gymnase.

Je change de T-shirt et de casquette puis je file vers les tables de ravito. Je m’interdis de m’assoir, pour éviter que mes jambes ne se raidissent.

Je bois beaucoup d’eau, et de Gatorade. Je mange une soupe de pâtes, quelques fruits secs, et deux barres de céréales. Je discute avec quelques coureurs tout en m’alimentant.

Je regarde ma montre, déjà 40 minutes que je suis là. Il est temps d’y retourner. Deux coureurs avec qui j’ai mangé m’annoncent qu’ils s’arrêtent là.

Je repars seul…

Romain MaxiRace - Trail again
Discussion avec Romain

Les premières minutes de remise en route sont difficiles. Il faut faire face à la chaleur et au bitume pendant quelques kilomètres avant de rejoindre la forêt pour attaquer une nouvelle ascension. A partir de là, je ne connais pas le parcours. Je l’ai bien analysé, mais sur papier uniquement. Je ne sais pas trop à quoi m’attendre, et je ne me doute pas à cet instant que le pire est à venir…

13h30 : Je suis dans la montée vers le chalet de l’Aulps. Il fait très lourd, et on sent que le temps tourne à l’orage. Pour l’instant on est dans les bois, et je fais partie d’une sorte de caravane d’une vingtaine de coureurs. Le rythme est très lent, mais ça ne me dérange pas. Malgré ma relative fraicheur physique, je décide de rester dans le groupe.

On passe le col de la Forclaz, je retrouve Romain et mes parents en mode ambiance tour de France en train d’applaudir les coureurs avec saucisson pâté sur la table. Ils m’ont filé un fou rire.

Public MaxiRace - Trail Again
Les supporters du Tour de France

Le ciel gronde, l’orage approche, quelques gouttes tombent du ciel et rafraichissent un peu l’atmosphère. Je suis aux anges. Mes jambes commencent un peu à siffler, mais rien d’alarmant. J’ai d’ailleurs légèrement accéléré le rythme.

15h04 : J’arrive au Chalet de l’Aulps après 10h04 de course, en bon état. Mais c’est là que tout se gâte.

Juste après le chalet, on descend de quelques mètres avant d’attaquer la montée finale vers le Roc Encrenaz. Un calvaire de 3km, que je vais mettre une heure à franchir, y laissant par la même occasion beaucoup trop de force à mon goût.

Je passe au pointage en 532èmeposition, sous les encouragements des bénévoles qui me feront beaucoup de bien mentalement à ce moment-là.

MaxiRace bizieux - trail-again
Le regard fixé sur l'objectif

15h58: Pas de l'Aulps

MaxiRace 2018 - Trail again
Mes jambes m'abandonnent

KM 58 : Le paysage est magnifique à cet endroit, et je m’accroche à ça pour continuer à courir et éviter de trop marcher.

Mes jambes ont pris un sacré pèt et j’ai l’impression qu’elles m’ont lâchées ! Le chemin passe sur une plaque de neige, mon pied droit se dérobe et je me vautre lamentablement sur le côté gauche…

Je me relève couvert de boue, et je me marre ! Je me marre parce que j’ai dû avoir l’air tellement con, et surtout parce que je ne me suis pas fait mal du tout.

Je retiens cependant que j’ai manqué de lucidité sur ce coup-là, et que je vais devoir redoubler de vigilance au vu de la grande descente qui se présente !

Et il en faudra de la vigilance ! Le chemin est boueux, et les cailloux ont été rendus très glissants par le passage de tous les coureurs qui me précédent.

En plus c’est une sacrée pente à descendre ! Et j’ai plus les jambes ! Chaque appui brûle, et j’attends avec impatience le prochain replat.

Je fais le yoyo avec d’autres coureurs, qui me doublent et que je redouble inlassablement. Mais l’ambiance est pesante, pas le temps d’échanger, chacun à trop peur de partir à la faute, et de devoir rester sur le bord du chemin pour de bon.

17h50 : j’aperçois enfin Menthon… A ce moment-là, mon cerveau est débranché. Je ne ressens plus rien… Ma team me voit arriver le visage marqué, plus rien à voir avec celui qu’ils ont vu passer à la Forclaz 4 heures plus tôt. Ils comprennent que j’ai terriblement souffert sur la dernière partie.

17h53: Menthon Saint Bernard

KM 70 : J’entre dans le gymnase, pour recharger les batteries avant la dernière partie. Je ne reste pas longtemps, mon corps me fait comprendre qu’il veut en finir.

Et pour en finir, je sais que je vais devoir être patient, et miser sur la prudence, surtout que j’ai compris à ce moment-là que j’allais terminer de nuit…

Il est 18h06, je reprends ma route, CAP sur Annecy et la ligne d’arrivée !

Avant ça, c’est en haut du Mont Baron qu’il faut grimper !

Passage Menthon Saint Bernard - MaxiRace 2018
Arrivée à Menthon le visage marqué

J’entre très vite dans le vif du sujet, même si les premiers mètres se font sur la route en pente douce. Au moment de quitter le bitume pour m’enfoncer dans la forêt, j’aperçois deux coureurs allongés sur le bas-côté dans leurs couvertures de survie, pris en charge par les secouristes. La peur s’empare de moi pendant un court instant. Je sais que la marge est infime, et que la moindre erreur coûtera cher. J’essaie de chasser ces pensées négatives en me remettant dans ma bulle.

Je ne sais pas si c’est la montée qui est raide, ou si ce sont mes jambes qui déconnent, mais là encore je suis en souffrance, et mon cardio s’emballe. Je décide de ralentir. Je suis trop proche du but pour prendre des risques. On croise 3 secouristes sprintant en sens inverse avec un brancard vide. Quelque chose de pas bon a dû se passer derrière. Je fais le maximum pour détourner mon esprit et me recentrer.

20h46: Sommet du Mont-Baron

Il est 20h46 j’arrive au sommet du Mont Baron, 3 heures après avoir quitté Menthon. Je suis en 461ème position

Le soleil descend et il fait déjà presque nuit dans la forêt. Je décide de sortir la frontale pour ne prendre aucun risque. Je suis à 7km de réussir mon coup. 7km, mais combien de temps ? 1 heure, peut être 2 ?!

Je n’ai pas beaucoup de souvenirs de cette descente, si ce n’est la nuit, et les premiers sons de la ville d’Annecy, avec la musique et la voix du speaker au loin, félicitant ceux qui sont déjà arrivés…

21h57: Plage d'Annecy

Un bénévole me voit grimacer, et me hurle « Allez mon gars, plus que 300 mètres de cailloux et t’arrives sur le dernier KM ! » .

Il en avait dit assez pour me booster comme jamais. Je rassemble mes toutes dernières forces et me jette dans cette dernière pente avec une aisance qui me déconcerte moi -même.

 J’arrive en bas, et je reconnais mon pote Romain qui m’attends sur son vélo, pour partager ce dernier KM…

On discute un peu, puis j’accélère. J’ai surtout envie de savourer le moment. Il y’a encore beaucoup de monde au bord de la route, et les gens sont géniaux. Ils applaudissent, et félicitent tous ceux comme moi, qui sont en passe de boucler l’aventure. Je suis à 200 mètres de l’arche, Romain doit s’arrêter là. Je fonce vers la ligne, profitant au maximum de tous ces applaudissements.

Finish Adrien Bizieux - MaxiRace
A quelques mètres de la délivrance

22h04 : Je monte sur le tremplin pour sonner la cloche. Je l’ai fait ! Je suis finisher de la MaxiRace 2018.

Il y’a deux ans, j’étais derrière ces barrières, applaudissant ces « malades » capables d’avaler 85km de course en montagne. Aujourd’hui je peux le dire, je suis l’un d’entre eux et j’en suis fier !

Edition 2018